Note de l'auteur
Les rencontres sont pour le moins inspirantes, souvent sources d’opportunités et toujours l’occasion d’apprendre. Constantin Guay nous en apporte encore un bel exemple. Martin Scher, qui pourrait bien devenir un talent incontournable du monde de l’agilité, nous fait découvrir son expérience inestimable sur sa transition : de cuisinier à Scrum Master. Qui a dit qu’il fallait connaitre l’univers de l’IT pour devenir acteur de Scrum ?
Comment devenir Scrum Master quand nous venons d’un monde qui est complètement différent de l’informatique. Pour répondre à cette question je reçois aujourd’hui Martin Scher, ami et collègue puisque nous travaillons justement ensemble en ce moment chez Talan Labs. Bonjour Martin, est-ce que tu peux te présenter ?
Bonjour Constantin, Je suis Scrum Master depuis un an, je travaille chez Talan Labs. J’ai engagé ma reconversion il y a plus d’un an. Je viens d’un univers qui m’apparait d’abord complètement différent puisque j’étais cuisinier.
Comment as-tu connu le métier et le rôle d’agiliste ?
Lorsque j’ai quitté la cuisine, je ne savais pas exactement ce que j’allais faire. Je n’ai pas hésité à explorer les idées dans mon entourage en guettant les opportunités.
Mon frère Jonathan, qui est coach agile, est persuadé que nous pouvons devenir Scrum Master sans avoir de connaissance en informatique. Il venait justement de créer une formation destinée à ceux qui voulaient engager une reconversion professionnelle vers le métier de Scrum Master. Il m’a naturellement proposé de venir l’essayer et de m’accompagner dans mon parcours. C’est comme ça que je me suis embarqué sur ce chemin et que j’ai découvert cet univers. Au cours de la formation, j’ai été très marqué par les valeurs et les notions de base de l’agilité. Nous avons ensuite recherché ensembles des stratégies pour m’intégrer dans la communauté des agilistes.
Avec ton frère tu as connu l’agilité dans l’IT, alors qu’elle s’applique à d’autres domaines. Aujourd’hui, pourquoi travailles-tu dans le milieu de l’informatique ? Était-ce une évidence pour toi ?
Ce n’était pas vraiment une évidence mais j’étais déjà assez intéressé par l’informatique et j’avais même hésité à faire l’école 42. En fait l’agilité est quand même plus répandue dans l’IT et ce choix m’a permis de bénéficier d’un milieu professionnel possédant une plus grande expérience et d’un management me laissant une plus grande liberté.
C’est vrai que l’agilité est née dans le monde de l’IT et c’est surement le chemin qui comporte le moins de barrières pour trouver du travail et des mentors. Avec le recul, vois-tu un lien entre l’agilité et la cuisine ?
Avec le recul, j’ai le sentiment de ne plus vraiment les chercher… Mais j’ai beaucoup travaillé mes entretiens en faisant des liens entre les deux. Mon discours était bien rodé : “en fait, l’agilité je connais déjà, je pratiquais ses notions sans mettre un nom dessus !”
Eh oui, c’est plutôt du bon sens, que de s’asseoir avec ses collègues pour s’encourager et discuter de ce qui ne va pas. Maintenant j’ai tendance à me dire que le plus pertinent serait d’intégrer la méthode du Lean management dans le métier de la cuisine.
Ne venant pas du tout du monde de l’IT ni des ESN, comment t’es-tu préparé aux entretiens, as-tu fait une sorte de veille pour trouver de l’information ?
Sorti de la formation j’étais très conscient de devoir approfondir mes connaissances pour pouvoir parler de ce nouveau métier. Je me suis fixé plusieurs objectifs pour y parvenir. J’ai tout d’abord privilégié les rencontres à la lecture. Elles m’ont permis d’affiner mon discours et de créer un petit réseau par lequel j’ai obtenu un stage d’observation d’un Scrum Master. Par la suite j’ai participé à des meet-up pour apprendre plus, faire d’autres rencontres et tester mon discours auprès des RH souvent présents dans ces évènements.Avec cette stratégie je savais très bien parler de l’agilité et connaissais parfaitement la théorie sans jamais avoir pratiqué. Ça a été le déclencheur de mon embauche. Ensuite il ne me restait plus qu’à apprendre le métier par le terrain.
Tu étais dans une situation où tu découvrais le monde de l’agilité, Comment as-tu fait ta recherche et ton choix d’entreprise ? Comment se sont passés les entretiens ?
Pour ma recherche d’emploi, c’était assez simple : l’objectif était de trouver un job avant tout. Je me rendais compte que ce serait difficile et que j’irais chez celui qui me prendrait. J’étais prêt à envisager d’écourter la mission si elle ne me convenait pas pour chercher mieux.
J’ai d’abord commencé à chercher en freelance avec l’idée d’être plus libre mais je me suis rendu compte que ça ne marcherait pas. Surement parce que mon manque d’expérience n’incitait pas les clients à passer le pas. Mais ça m’a quand même bien appris à parler aux RH. Ensuite j’ai commencé à envoyer des CV partout ! J’ai arrosé très largement sans vraiment cibler telle ou telle ESN. Avec le recul je me dis que ce n’était pas forcément la meilleure stratégie. Je pense que l’on a plus intérêt à créer du réseau. C’est d’ailleurs par mes rencontres que j’ai réussi à décrocher la plupart de mes entretiens. J’ai dû enchainer les entretiens pendant plus de 3 mois pour bien comprendre le discours que l’on attendait de moi et bien les réussir. Au fil des rencontres J’ai découvert que mon profil apportait une valeur ajoutée : quelque chose de nouveau dans l’équipe, de différent. Ne venant pas du même milieu, je ne suis pas formaté …
On peut dire que le réseau est un bon moyen de décrocher des entretiens et qu’il faut persévérer même si les premiers ne sont pas concluants. Comment se passent les entretiens ?
Pour résumer voici les différents points qui m’ont amené à l’embauche :
C’est vrai que les softs skills, ces compétences qui déterminent ton état d’esprit, sont de plus en plus déterminants dans le processus de recrutement.
Maintenant que tu es dans le rôle du Scrum Master, est-ce que tu vois ton parcours comme un atout ou au contraire comme un handicap ?
C’est une question qui s’est imposée assez vite notamment durant les entretiens. On a toujours l’impression qu’il faut un bagage technique pour être Scrum Master mais ce n’est pas le cas. Je me suis attaché à faire confiance aux développeurs et à insuffler cette confiance auprès des autres acteurs de manière que leurs compétences et leurs choix ne soient pas remis en question. Même dans le cas ou la technique se prend un mur, ce qui compte c’est de se rattraper et les développeurs savent très bien le faire.
C’est vrai que j’ai l’habitude de dire que le Scrum Master doit avoir une capacitée de prise de recul pour accompagner l’équipe. J’avoue avoir eu du mal à m’extraire des discussions techniques lorsque je suis passé Scrum Master. Du coup tu as été épargné…
J’ai vu beaucoup de comportements de ce type dans la restauration mais j’ai surtout remarqué le côté positif de l’esprit agile : c’est dans les équipes ou j’ai eu le droit à l’erreur que j’ai été le plus performant.
Si tu devais revenir dans ton ancien métier, qu’est-ce que tu aimerais appliquer de ces nouvelles connaissances ?
J’ai appris beaucoup de chose et j’ai réussi à formaliser des idées que j’avais déjà en tête. Ces compétences sont forcément inspirantes et me permettraient entre autres d’être plus solide dans mon approche du management en cuisine. Il existe d’ailleurs déjà des restaurants agiles. Riccardo Mariti par exemple a fait un travail très intéressant dans sa pizzeria gérée en Scrum.
Quels seraient les conseils que tu donnerais à quelqu’un qui voudrait faire comme toi ?
Le premier est de regarder l’intégralité de Scrum Life, cela va de soi ! Même si quand j’ai découvert il y avait beaucoup moins de contenu qu’aujourd’hui.
Il faut surtout bien comprendre que le sujet ne sera pas réellement maitrisé avant de commencer à travailler sur le terrain même si la théorie est essentielle.
C’est effectivement en mettant les mains dans le cambouis que l’on va se rendre compte de ce qu’est vraiment le travail de Scrum Master. Ce n’est pas pour rien que nous prônons l’empirisme…
Es-tu prêt à échanger avec nos lecteurs qui voudraient te questionner sur ta reconversion ?
Oui j’en serai ravi. Ils peuvent me contacter via LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/martin-scher/